Rattrapages des championnats hivernaux.
Au creux de l’hiver, alors que la grande majorité des pilotes hibernent chez eux, près de leur simulateur ou de leur salle de sport et loin des circuits européens enneigés à cette période de l’année, ce sont pas moins de 77 pilotes qui se sont engagés sur des formules de promotion hivernales : 37 en Formule Régionale Asie (FRAC) et 40 en Formule 4 émiratie (F4 UAE). La lutte n’était pas tant pour le championnat, la plupart des pilotes ayant fait des campagnes partielles.
Il s’agissait surtout d’une occasion dorée pour tous ces pilotes de garder la forme, se mettre en jambes pour la saison principale, découvrir leur future équipe, gagner de l’expérience sur une nouvelle voiture, etc. Les deux championnats se sont déroulés sur cinq weekends consécutifs sur les circuits d’Abu Dhabi et de Dubaï. Même si ces circuits sont réputés ennuyeux, ce serait un euphémisme de dire qu’on y a vu du spectacle ! Et surtout, il y a beaucoup d’enseignements à tirer de ces deux séries hivernales.
Formule Régionale Asie (FRAC).
Il aura démarré doucement sa campagne asiatique. Sans être flamboyant, Arthur Leclerc grimpait sur deux podiums dès sa première manche. Puis progressivement, en plus d’une remarquable régularité, le Monégasque de 21 ans est monté en régime pour finir la saison comme LE leader du championnat. Avec quatre victoires et neuf podiums en quinze courses, le petit frère de Charles a détonné et a remporté son premier sacre dans sa carrière.
Et au-delà du titre, c’est la manière qui fût le plus impressionnante. Lui qui fût tant décrié l’an dernier pour son irrégularité en FIA Formule 3, il a montré une maturité remarquable, des dépassements de grandes classes, une rapidité lui permettant de toujours se qualifier près des meilleurs. Sans oublier une gestion de course incroyable. Bref, pas étonnant que Leclerc ait remporté le championnat avec soixante points d’avance sur la concurrence. Avec 18 points supplémentaires, le voici désormais à 45 points sur sa Super Licence, au-delà des 40 points requis pour la Formule 1. Le pilote de la Ferrari Driver Academy le plus proche de la F1, c’est lui ! Reste à confirmer en FIA F3 cette année.
Seulement 3e de F4 espagnole l’an dernier, on n’attendait pas spécialement grand-chose de Pepe Martí, jeune ibérique de 16 ans au début de ce championnat. Mais voilà. Cinq weekends plus tard, Martí a changé de dimension. En ne connaissant ni la voiture et ni les circuits émiratis, il a détonné, s’adjugeant le titre de Champion Rookie et de Vice-Champion au général, avec une marge importante face à des pilotes plus expérimentés (Hadjar, Crawford, Minì, Aron, etc.). Avec dix top 4 en course et cinq podiums, il aura manqué une victoire pour parachever cette superbe saison. Qu’importe, le bilan est vraiment positif, et il sera surveillé de très près en FIA F3 chez la petite équipe Campos.
Isack Hadjar (3e) complète le podium final. Le pilote Red Bull Junior a constamment joué les avant-postes montant sur cinq podiums et gagnant à deux reprises. La malchance ne l’a vraiment pas épargné avec plusieurs casses mécaniques et autres contacts en piste. Si on pouvait s’attendre à le voir un peu plus challenger Leclerc, la mission d’Isack est remplie : apprendre à connaître sa nouvelle équipe Hitech, et apprendre à gagner avec elle. C’est même le vainqueur de la dernière course du championnat, et c’est toujours bon pour la confiance de finir sur une note positive.
Gabriele Minì (4e) et Dino Beganovic (5e) auront d'ailleurs bataillé avec Hadjar jusqu’à l’ultime tour du championnat. L’Italien et le Suédois ont confirmé les attentes placées en eux en montant régulièrement sur les podiums. À l’opposé, Jak Crawford (6e) et Paul Aron (8e) ont déçu. Les deux pilotes Prema se sont retrouvés en grosse difficulté, incapables de se battre aux avant-postes pendant la majorité de la saison. Ils se sont un peu ressaisis sur les deux derniers meetings mais c’est largement insuffisant pour des pilotes qu’on imaginait jouer le titre. Crawford, coéquipier de Leclerc en FIA F3 cette année, entrera dans le championnat avec beaucoup moins de confiance que le Monégasque.
Plusieurs pilotes ont effectué des campagnes partielles, mais deux ont retenu toute l’attention. Sebastián Montoya (7e) tout d’abord. Le Colombien, fils de Juan Pablo, sortait de deux saisons compliquées en F4 italienne. On n’attendait pas forcément grand-chose de lui, mais nous nous trompions lourdement. Trois weekends, deux victoires et trois pole positions plus tard, Sebastián s’est fait un prénom. À confirmer bien sûr en FRECA cette année.
Vice-champion de FRECA en titre, Hadrien David (9e) a connu un premier weekend cauchemardesque avant de se rattraper avec la manière le weekend suivant avec deux victoires, une pole et deux meilleurs tours. Il est ainsi l’unique pilote du championnat à avoir gagné deux courses le même weekend. Quel dommage de ne pas l’avoir plus vu pendant la saison.
Toujours chez les français, Pierre-Louis Chovet (16e) est quant à lui arrivé en cours de saison, rejoignant l’équipe la moins compétitive du plateau (BlackArts). Vice-champion en titre, PLC a marqué la quasi-totalité des points de l’équipe et a fait de beaux adieux à la monoplace, avant un nouveau départ en GT4. Sami Meguetounif (20e) a montré des choses intéressantes sur l’unique weekend auquel il a participé. Apprentissage à la dure pour Owen Tangavelou (31e) qui n’a pas marqué de points sur trois weekends, même si une légère progression semblait venir sur les dernières courses.
Plus largement, pour nos francophones, le Suisse Joshua Dufek (18e) a marqué des points et a bien commencé sa saison. Sa compatriote Léna Bühler (29e) a encore été à la peine mais a sûrement réalisé le meilleur weekend de sa carrière à Yas Marina, en flirtant avec le top 10. Le Luxembourgeois Brice Morabito (30e) a été assez anonyme sur la seule manche à laquelle il a pris part. Enfin, le Russe sous licence français Vladislav Lomko (34e) a été malchanceux sur son unique weekend.
La très grande majorité de tout ce beau monde se retrouvera sur les grilles de FIA F3 dans un mois à Bahreïn (Leclerc, Martí, Hadjar, Crawford…) ou de FRECA dans deux mois à Monza (Minì, Beganovic, Montoya, Aron, David…). La FRAC n’était sûrement que le tout début d’une année qui s’annonce palpitante dans ces deux championnats.
La FRAC en Bref.
Championnat pilote – Victoire d'A. Leclerc, suivi de P. Martí et de I. Hadjar.
| H. David P9, P.L. Chovet P16, J. Dufek P18, S. Meguetounif P20, O. Goethe P25,
L. Bühler P29, B. Morabito P30, O. Tangavelou P31, V. Lomko P34.
Championnat Rookie – Victoire de P. Martí.
Championnat Équipes – Victoire des Mumbai Falcons by Prema.
+ Arthur Leclerc qui montre pour la première fois de sa carrière, le potentiel d’un pilote de Formule 1.
+ Pepe Martí, l’incroyable révélation que personne n’attendait.
+ Mumbai Falcons by Prema a été impressionnante de maîtrise. Le trio Leclerc-Beganovic-Montoya était parfait.
– Ce turn-over très important entre les pilotes qui donne une lutte pour le titre un peu modifiée. Qu’auraient pu montrer Hadrien David et Sebastián Montoya sur une saison complète ? Mais c’est aussi dans l’ADN du championnat qui reste un championnat de préparation pour les campagnes européennes.
– Crawford, Aron... Les Abu Dhabi by Prema ont été en difficulté et ont déçu.
– Dilano van’t Hoff seulement 13e, on attendait plus de lui. Idem pour Oliver Bearman 15e (seulement deux manches), beaucoup moins flamboyant qu’un Montoya qu’on attendait pourtant moins.
Formule 4 Émirats Arabes Unis (F4 UAE).
Après Nannini en 2019 et Trulli en 2021, c’est de nouveau un « fils de » qui est champion de F4 UAE. Le fils d’Alexander Wurz (3 podiums en F1, double vainqueur des 24 Heures du Mans), Charlie, remporte son premier sacre en monoplace.
Mais était-ce le pilote le plus rapide, le plus méritant ? La question mérite d’être posée. Avec seulement deux victoires, Wurz est bien loin des six de Rafael Câmara ou des quatre de James Wharton. Mais contrairement à ces deux derniers, Wurz a réalisé l’entièreté de la saison. Câmara a été touché par le COVID à la première manche, et Wharton a subi le turn-over effectué par Prema pour tester le plus de pilotes possible en vue de la campagne en F4 italienne. L’Australien a donc manqué la troisième manche de la saison. Idem pour Andrea Kimi Antonelli qui n’a fait que deux manches.
Les faits sont là : les 3 pilotes faisant déjà partie d’une Académie (Câmara et Wharton chez Ferrari, Antonelli chez Mercedes) n’ont pas fait l’entièreté de la saison. Mais voilà, Charlie Wurz a été le plus régulier. Et même s’il n’était pas le pilote le plus flamboyant, il a engrangé les points et s’est adjugé le titre avec une marge non négligeable de 45 points sur Câmara (presque deux victoires !).
Moins flamboyant, Aiden Neate qu’on a vu en FFSA F4 début 2021, termine 3e du championnat, mais est toujours à la recherche de sa première victoire en monoplace. Il devance le Russe Nikita Bedrin, victorieux deux fois. Il est ainsi le non-Prema le mieux classé au championnat, avec la nouvelle équipe indépendante PHM Racing. Un autre pilote qui a marqué les esprits ? L’Irlandais Alex Dunne (6e), victorieux à deux reprises pour Hitech.
Le point commun entre Bedrin et Dunne ? Tous deux ont gagné une course grâce à la procédure de drapeau rouge mal maitrisée par les autres pilotes. N’ayant pas respecté le règlement, l’entièreté du peloton (sauf Dunne à Dubaï et Bedrin à Abu Dhabi) s’est vue pénalisée de cinq secondes, permettant à l’Irlandais et au Russe de s’imposer facilement. Rocambolesque.
Chez les autres pilotes, Tasanapol Inthraphuvasak (7e) et Taylor Barnard (9e) se sont imposés une fois chacun. Notons aussi le premier podium du Norvégien Martinius Stenshorne (10e) roulant pour 3Y by R-ace GP. Après une annus horribilis en ADAC F4 l’an dernier, l’équipe vendéenne relève un peu la tête. Et côté francophonie, le Marocain de 16 ans, Suleiman Zanfari a montré des choses intéressantes avec pour meilleur résultat une 4e place.
Au rang des déceptions, citons entre autres, Brando Badoer (28e), le fils de Luca, qui, comme son paternel en Formule 1, a respecté la tradition familiale et n’a marqué aucun point. Pinnacle Motorsport a vécu aussi un vrai naufrage. L’équipe avait engagé deux pilotes belges (Jules Castro, 33e, et Jef Machiels, 39e) et Robert de Haan (30e au final, vainqueur FEED Racing, auteur de plusieurs top 5 en F4 l’an dernier). Jamais en mesure d’inscrire des points, le bilan a été un peu sauvé par les superbes remontées du jeune Néerlandais en course, pour rattraper des qualifications désastreuses.
On retrouvera la grande majorité de ses pilotes en F4 italienne dès début mai sur le circuit d’Imola. Certains pourraient aussi être tentés par l'ADAC F4 qui commence une semaine plus tôt à Spa-Francorchamps, ou encore par la F4 britannique ou espagnole.
La F4 UAE en Bref.
Championnat pilote – Victoire de C. Wurz, suivi de R. Câmara et de A. Neate.
| S. Zanfari P17, J. Castro P33, J. Machiels P39.
Championnat Rookie – Victoire de R. Câmara.
Championnat Équipes – Victoire de Prema.
+ La révélation Rafael Câmara : la Ferrari Driver Academy a déniché un grand talent. Sans le COVID qui l’a empêché de participer au premier round, il aurait pu être champion...
+ 14 victoires sur les 20 courses : même avec la nouvelle génération de F4, Prema continue sa suprématie.
+ Un retour de R-ace GP sur les podiums après une saison catastrophique en F4.
– Les fiascos de la procédure de drapeau rouge avec deux courses où tous les pilotes excepté le poleman ont été pénalisés.
– Idem que pour la FRAC : un turn-over très important entre les pilotes, et une lutte pour le titre un peu biaisée au final.
– Engagés chez Pinnacle Motorsport, le vainqueur FEED Robert de Haan, et les Belges Jules Castro et Jef Machiels ont vécu un naufrage, bien loin du top 10.
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