LE BILAN : W Series.
C’est une bien étrange saison que nous auront offert les W Series. Pour la seconde saison de l’Histoire du championnat, la lutte pour le titre a bien eu lieu avec un suspense gardé jusqu’à la dernière course, alors que de jeunes débutantes se sont révélées. Pourtant, un étrange sentiment persiste. Comme un amer goût d’inachevé. Oui, le championnat a été intéressant mais à quoi bon au final ? La hype n’a jamais été emballante et on n’a toujours pas le sentiment d’avoir assisté à l’éclosion de la future grande championne de Formule 1. Mais au fond, le but n’est-il pas ailleurs pour les W Series ?
Cette année, grâce à une médiatisation plus importante, les W Series ont fait parler d’elles. Et au fond, c’est ce message qui a été porté : les femmes peuvent courir en sport automobile. Les femmes ont cette possibilité. Les W Series permettent un véritable coup de projecteur sur la gent féminine dans ce sport si fermé. Et donc, oui, peut-être que grâce aux W Series, des petites filles s’identifieront à ces pilotes et voudront se lancer dans ce sport pour se battre avec les meilleurs. Sur le long terme, ce championnat portera peut-être ses fruits. Sur le court terme... Cela reste à voir.
Mais en attendant, la saison 2021 des W Series a tout de même offert une jolie bataille pour le titre et fait naître quelques espoirs pour le futur...
La bataille au sommet.
Elle était attendue, elle a répondu présent. La Britannique de 23 ans Jamie Chadwick commence à connaître cette Formule Régionale par cœur (plus de 50 courses avec la Tatuus F.3-T318 depuis 2019). Malgré un passage à vide lors de la première course, elle s’est très rapidement remobilisée pour remporter la moitié des courses de la saison et finir sur le podium de sept des huit épreuves de l’année. La tenante du titre est donc maintenant double championne des W Series.
Sa rivale Alice Powell lui aura tout de même donné du fil à retordre. Sa très expérimentée compatriote de 28 ans qui avait déjà roulé en GP3 Series il y a presque dix ans de cela fût clairement la seule à tenir le rythme de Chadwick toute l’année, étant même la première leader du championnat en début de saison. Malheureusement, elle s’est un peu écroulée sur le double-header final d’Austin où elle s’est seulement contentée d’une 3e et d’une 6e place quand sa concurrente empochait les deux victoires.
Dynamique inverse pour la Finlandaise de 32 ans Emma Kimiläinen (3e du général), qui avait très mal débuté la saison (13e à la première course), pour finalement terminer sur les quatre derniers podiums de la saison, avec en point d’orgue sa sublime victoire sous la pluie de Spa-Francorchamps, où elle a doublé une à une Powell et Chadwick avec une facilité déconcertante.
Des Rookies en verve.
Mais face à l’âge quasi-canonique du trio de tête (23, 28 et 32 ans), considéré comme bien trop élevé pour des pilotes de formule de promotion, il fallait voir du côté des Rookies de 18-19 ans pour voir les espoirs de demain. Car si une future championne (ou au moins une future pilote de F3/F2) pouvait éclore au grand jour cette année, c’était bien de leur côté. L’Espagnole de 19 ans, Nerea Marti, a fait preuve d’une régularité remarquable pour terminer 4e du championnat. Huit tops 8 en huit courses, mais un seul podium... Il lui aura manqué ce petit plus pour aller concurrencer les expérimentées pilotes en lutte pour le titre, et pour créer de vrais espoirs solides autour d’elle...
La benjamine du plateau Irina Sidorkova (9e du général, 18 ans), est l’une des énigmes de la saison. Malgré un sublime podium à sa deuxième course, elle s’est aussi montrée irrégulière avec deux courses hors des points sur les cinq auxquelles elle a participé. En effet, la Russe a manqué une course à cause d’un test positif au Covid puis elle n’a pas été autorisée à obtenir un visa américain pour participer au double-header final d’Austin, lui faisant donc manquer presque la moitié du championnat. En passant, je trouve cela assez honteux que ce sont les pilotes qui doivent faire les démarches administratives pour se rendre dans un pays et non les organisateurs du championnat lui-même.
Mais le plus grand espoir provient sûrement de la Britannique de 18 ans, Abbi Pulling. Protégée d’Alice Powell, Pulling était juste une réserviste de ce championnat. Cependant, ses performances lui ont permis de participer à quatre des huit courses de la saison. Elle a notamment signé sa première pole position à Austin, avant de monter sur son premier podium le lendemain. En seulement quatre courses, elle a ainsi pu finir 7e du championnat.
Les autres pilotes.
Enfin, certaines pilotes ont réalisé de belles performances sans forcément être transcendantes non plus, quand d’autres ont tout simplement déçu. Les redoublantes Sarah Moore (5e) et Fabienne Wohlwend (6e) ont réalisé une saison solide avec un podium pour la Britannique et deux pour la Liechtensteinoise. La vice-championne en titre Beitske Visser a été un ton en-dessous durant toute l’année mais a réussi à sauver une 8e place finale au championnat, si précieuse pour 2022 (j’en reparle plus tard). Notons que la Néerlandais roulait aussi en WEC en LMP2 chez le Richard Mille Racing Team (aux côtés de Sophia Flörsch et Tatiana Calderon), terminant 14e au classement de sa catégorie, avec deux 6e places aux 8 Heures de Portimao et aux 6 Heures de Bahreïn.
Il y avait beaucoup d’espoirs sur les deux Espagnoles Belén et Marta Garcia (22 et 21 ans), mais elles n’ont pas vraiment su concrétiser. Les deux ont été bien trop irrégulières pour prétendre à mieux que leur 10e et 12e place finale. Enfin, les pilotes derrière ont été bien trop discrètes durant toute leur saison 2021.
Quel avenir pour la promo 2021 ?
On devrait probablement assister à un certain renouvellement du plateau pour 2022. Tout d’abord, Jamie Chadwick et Alice Powell ont clairement exprimé leur volonté de partir du championnat, n’ayant plus rien de particulier à prouver en W Series. Pour Chadwick, elle bénéficie déjà d’un double programme en Extreme E avec Veloce Racing. Pilote de développement Williams F1, elle semble pourtant s’éloigner plus que jamais du pinacle du sport automobile. Malgré la bourse de 500 000€ réservée à la championne, cela est bien trop faible pour espérer un bon volant en FIA F3. Chadwick l’a bien compris et a notamment préparé l’avenir en participant aux Rookie Tests en WEC avec Richard Mille en LMP2 le mois dernier.
Alice Powell a également participé à ces mêmes Rookie Tests pour l’équipe française, et elle devrait également rester pilote de développement pour Virgin en Formule E. La doyenne du plateau Emma Kimiläinen a déjà annoncé sur les réseaux sociaux qu’elle resterait en W Series l’an prochain et qu’elle y viserait le titre. S’engagera-t-elle en parallèle dans un autre championnat ? Ça reste à déterminer.
Enfin, je vous mentionnais le fait que finir dans le top 8 de cette année était déterminant pour la carrière de certaines pilotes. En effet, contrairement à il y a deux ans où le top 12 était automatiquement invité à revenir la saison suivante, seules les huit premières du championnat étaient inscrites d’office pour 2022 (+ les pilotes de la W Academy, Nerea Marti et Irina Sidorkova, en tant que plus jeunes pilotes du plateau). Les autres pilotes hors du top 8 devront ainsi passer par une phase de sélection où elles seront opposées à des pilotes novices en W Series. Ainsi, Moore, Wohlwend et Visser sont qualifiées pour la saison 2022.
Du côté des jeunes Marti, Pulling et Sidorkova, l’intersaison a été plus intéressante. Elles devraient repartir pour une saison supplémentaire en W Series mais pourraient également s’engager en FRECA au moins sur quelques courses. Marti et Pulling ont participé à plusieurs tests avec FA Racing by MP, quand Sidorkova a roulé pour KIC Motorsport. Les performances étaient cependant loin d’être celles de leurs coéquipiers... Ajoutons que Marti et Sidorkova ont également eu le droit à une journée de tests privés en FIA F3 à Magny-Cours, grâce à un partenariat entre la F3 et les W Series.
Mais enfin voilà, c’est surtout ça qui a brisé ma hype concernant les pilotes de W Series. Car voir ces prometteuses pilotes affronter des garçons, souvent plus jeunes qu’elles, et se retrouver si loin, c’est forcément dur. Et n’oublions pas que la voiture de FRECA est la même que celle de W Series (pneus et moteur différents, mais tout de même). Marti, Pulling et Sidorkova sont les pilotes les plus prometteuses de ce championnat, à n’en pas douter. Celles qui regorgent du plus de potentiel, mais reste à voir jusqu’où ce potentiel les mènera. Est-ce un potentiel d’une très bonne pilote comme Jamie Chadwick, ou celui d’une future légende à la Michèle Mouton ? Seul l’avenir le dira...
Bref attendons de voir ce qui attend toutes ces pilotes, mais il semble assez probable que la future championne de Formule 1 ne soit pas dans les rangs des W Series. Cependant, même si la F1 semble inatteignable, certaines pourraient avoir de très jolies carrières en GT ou en WEC. Car il n’y a pas que la F1 dans la vie. Ce championnat aidera sûrement à avoir plus de femmes en sport auto, mais plus de femmes en F1, ou même en F2 / F3, ce n’est pas certain.
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