Débrief : Belgique 2021.
Ce weekend était on ne peut plus attendu. Après quelques semaines de vacances, on avait tous hâte de revoir nos héros en piste, sur l'un des plus beaux circuits au monde, avec une promesse de pluie qui allait épicer l'ensemble pour nous proposer sûrement l'un des rendez-vous de la saison. Eh bien ce fut le cas ! Mais pas réellement comme on s'y attendait...
Bon...
A Grand-Prix unique, Débrief unique. Dans un premier temps, on va revoir d'un point de vue factuel, ce qui s'est passé. Puis, l'ange sur mon épaule droite expliquera à raison les décisions de la FIA, avant que le démon de mon épaule gauche prenne la main pour mettre en lumière le paradoxe ridicule que représente la FIA, son règlement, et ses prises de position.
On est le Dimanche 29 Août 2021, il est aux alentours de 14h, à une heure du départ de ce Grand-Prix de Belgique 2021. La pluie est présente depuis le début de la journée. Enfin, depuis le début du weekend à vrai dire. Le matin, la course de Formule 3 s'est bien passée. La course de Porsche Supercup a été quelque peu mouvementée, mais elle a eu lieu. Avec les qualifications folles de la veille, on ne peut s'attendre qu'à une après-midi de fou !
Et ça commence en trombe, avec Sergio Perez qui vient s'encastrer dans les pneus aux Combes. L'abandon est d'ores-et-déjà acté, avant même le départ. Le temps passe, les pilotes se mettent sur la grille : Verstappen prêt à amener la meute, suivi d'un George Russell fabuleux, et d'un Lewis Hamilton en difficulté. Le départ est repoussé une première fois. Puis une deuxième. Puis une troisième. Puis, au bout de 30 minutes, les voitures s'envolent pour deux tours derrière la voiture de sécurité. Le test n'est pas concluant, il ne faut pas rouler : retour aux stands. C'est à ce moment que près de trois longues heures de drapeau rouge nous attendent, avec régulièrement, un départ repoussé. Arrive 17h, et une annonce confirmée par la FIA : les commissaires sportifs ont décidé d'arrêter la montre, pour laisser une heure de côté, pour pouvoir lancer une course si les conditions se calment. Une heure plus tard, la nouvelle tombe : la course va être lancée !
C'est donc sous Safety-Car, encore, que les voitures quittent la voie des stands, pour parcourir deux tours supplémentaires, comptant pour l'épreuve cette fois-ci. Deux tours et puis s'en vont. Les 20 pilotes sont redirigés vers les stands après que le drapeau rouge soit une seconde fois brandit. Une demi-heure d'arrêt aura été nécessaire pour que la FIA arrête l'épreuve la plus courte de l'Histoire, en n'attribuant que la moitié des points aux pilotes du Top 10.
Qu'on soit d'accord, la FIA a pris la bonne décision en ne faisant pas courir les pilotes. La visibilité était nulle, les nuages trop bas pour que l'hélicoptère médical puisse s'envoler sereinement, le tout sur un tracé qui s'est avéré être très dangereux tout au long du weekend, voire même du mois dernier, voire même depuis deux ou trois ans. Les organisateurs, la FIA et la FOM ont beau vouloir tout maîtriser, la météo reste ingérable, bien que prévisible. A ce niveau-là, on ne peut rien leur reprocher, bien au contraire.
Ensuite, en ce qui concerne la « course », il faut bien se dire qu'il y a de très gros sous, et donc de très grosses pressions mises par les sponsors, les instances, et les organisateurs. Des trophées ont été fabriqués et payés, il faut les attribuer. Les sponsors payent cher pour voir leurs noms sur les podiums, il faut les contenter. Et au-delà de ça, il y a des obligations contractuelles, et donc politiques et juridiques. Pourquoi cela a pris autant de temps ? Sûrement parce que les instances ont souhaité attendre les alentours de 18h/19h, où une accalmie était prévue. Sûrement pour tenter, au maximum, de pouvoir organiser une course, pour toutes les raisons évoquées au-dessus.
Mais... Toute la gestion a été digne de la FIA : catastrophique, risible, ridicule, et malhonnête. Premier point complètement aberrant : la montre. Depuis cette année, les voitures ne peuvent pas dépasser les deux heures de course, et la course complète, avec ses interruptions, ne doit pas dépasser les trois heures. Ainsi, l'événement ayant commencé à 15h01, tout aurait dû se terminer à 18h01. Les tout premiers tours de roue ayant été donnés à 15h25, les voitures avaient donc, sans interruption du chronomètre de course, jusqu'à 17h25 pour rallier l'arrivée. Enfin, tout ça, c'est sans prendre en compte l'article 11.9.3.o du Code Sportif International de la FIA, qui stipule que les officiels pourront « prendre la décision d’arrêter de façon temporaire ou permanente, tout ou partie d’une compétition » en cas de problème de force majeure. On pense alors à Bahreïn 2020, où il avait fallu très longtemps aux personnes sur place pour remettre le circuit en état après la sortie de piste de Romain Grosjean. Or, à Spa, on parle de pluie. Le chronomètre a été arrêté à cause d'une pluie qui, de 14h à 19h, n'a pas changé d'une goutte. Ainsi, la crédibilité que se cherche la FIA en permettant à ses sponsors d'être vu et mis en avant dans les cérémonies d'après course est complètement inutile lorsque plusieurs heures avant, le propre règlement de la FIA elle-même est bafoué.
Second exploit dans la même veine : l'attribution de points. Pour l'article 6.5 du Règlement Sportif de la Formule 1, il faut que les voitures aient parcouru plus de deux tours pour que des points puissent être attribués. Par ailleurs, l'article 50.3 de ce même règlement, précise qu'en cas de drapeau rouge, les voitures doivent se ranger dans l'ordre établi avant le drapeau rouge. On en vient donc au fait que l'on connaît tous : il faut prendre en considération le tour avant l'interruption. Si vous avez fait le lien, vous comprenez qu'il y a un souci... A Spa, les voitures ont fait deux tours, puis le drapeau rouge a été brandi, donc l'ordre pris a été celui du tour précédent, les pilotes ayant donc effectué un tour de course, et non pas les deux nécessaires. Pourtant, des points ont été attribués. Encore une fois, à l'appréciation de la FIA, qui a décidé de ne pas tenir compte de son propre règlement, qui s'apparente plutôt à un vulgaire bout de papier dans ces moments. La Formule 1 a d'ailleurs supprimé sur ses réseaux sociaux ses publications montrant le classement, avant de les remettre plus tard, après éclaircissement de la situation, selon leur point de vue.
On peut rajouter à ça la gestion médiatique de la course qui, au-delà de protéger ses intérêts et ceux de ses sponsors, est une énorme claque dans la gueule de tous les fans que nous sommes. Tous les communiqués sont faits à la hâte, les décisions sont prises sans prendre réellement compte de ce qui est rédigé dans les différents règlements mis en vigueur en Formule 1, et en faisant mine de ne pas comprendre les reproches. A ce titre-là, on peut donc présenter les déclarations de F1 Media, sur ses réseaux sociaux, qui justifie ses choix par deux éléments : la sécurité et le bonheur des fans. Sauf que ce n'est pas ce qui est reproché... Niveau sécurité, ce Dimanche était un sans-faute, et heureusement au vu des très nombreux mauvais pressentiments de chacun tout au long du weekend. Niveau fan, il faudrait éviter de se foutre de notre gueule... Toutes les personnes sur place avec qui on a pu discuter nous ont bien confié qu'il faisait froid, que la pluie était insoutenable, et que repousser encore et encore l'annonce de la fin de l'épreuve, pour faire rouler les voitures sur quatre petits tours en quatre heures, ne les avait que très peu consolé... Voire pas du tout même... Voire tout le contraire d'ailleurs...
Enfin, dernier point noir sur cette gestion du public. Selon plusieurs personnes sur place qui ont protesté auprès des organisateurs, ces derniers se refusent à des dédommagements, prétextant qu'une course a bel et bien eut lieu, avec tout ce qu'elle implique : départ, distance nécessaire, podium, etc. S'il s'avère que ces dires sont vrais, c'est la cerise sur le gâteau de l'aberration. Non pas pour le manque de remboursement, qui est d'un côté compréhensible car les spectateurs ont eu la quasi totalité du programme promis (FIA F3, Porsche Supercup, etc), mais plutôt pour les raisons données et la façon dont cela s'est déroulé.
Parlons Formule 1.
Malgré ce cirque, des voitures ont roulé à Spa, et des points ont été accordés. Bien que sur le plan sportif ce soit très discutable, puisque le Championnat est faussé à plusieurs niveaux, après l'attribution d'unités à des pilotes qui n'ont même pas fait la course, ce Grand-Prix de Belgique a réuni, comme depuis le début de la saison, des résultats fous.
Bien évidemment, le premier, et le plus parlant, c'est le podium de George Russell, qui termine à la deuxième place. C'est un tour complètement fou que le Britannique a sorti Samedi après-midi, pour tenir quelque temps la pole, et donc la victoire, avant que Max Verstappen ne lui prenne cette position dans les derniers instants. Outre la pluie, les circonstances du Dimanche, et toutes les planètes qui se sont alignées pour que Williams monte sur ce podium, c'est, je trouve, une parfaite conclusion à l'histoire entreprise entre Russell et l'écurie. Souvenez-vous, lors de sa première saison, qu'il n'avait pas pu rouler à Barcelone lors de la première journée car la voiture n'était pas prête. Trois ans après, il hisse cette monoplace en Q3, la place en première ligne, et obtient un podium certes discutable, mais qui est tout de même présent. Et pour sublimer le tout, Latifi se retrouve lui aussi dans les points, pour un second double finish dans les points pour Williams.
Si l'on reprend le fil habituel, on va parler de Max Verstappen qui s'est repositionné à Spa comme l'homme fort de la saison, en signant la pole position, et, si la course avait eu lieu, en ayant le rythme et la voiture pour s'imposer. Le tout quand les deux Mercedes étaient en grande difficulté tout au long du weekend avec leurs réglages. Ce sont des points de repris sur les deux championnats, qui font énormément de bien à la firme autrichienne.
Avec Russell et Verstappen, l'autre star de ce weekend c'était Lando Norris, qui est resté sur sa planète. Il avait tout pour aller chercher la pole, bien devant ses deux adversaires du weekend. Mais une piste extrêmement détrempée et un pilotage un poil trop optimiste lui ont brisé tous ses rêves en Q3, lorsqu'il vient percuter de plein fouets le mur de pneus au sommet du Raidillon qui aura énormément fait parler de lui ce weekend. Un accident bête, qui aurait pu être évité si Lando Norris n'avait pas eu cette petite crise de confiance, ou si la direction de course avait écouté les pilotes, se plaignant des conditions et de la piste...
On ne parlera pas des autres pilotes et des autres équipes, l'évènement étant tellement atypique que les résultats ne reflètent que trop peu ce qu'il aurait dû se passer ce weekend si la course avait eu lieu.
Qui a le plus perdu ?
Lando Norris. Il a perdu la pole, et donc la victoire. Avec le rythme qu'il avait, c'était offert. C'était le seul, durant les qualifications, à attaquer autant, à grimper sur les vibreurs comme lors de ses années karting, et à aller chercher à chaque fois un petit peu plus la limite. Manque de chance, il l'a trouvé cette limite, et elle a été très violente. Elle lui aura valu un passage à l'hôpital, pour des vérifications médicales, qui heureusement n'ont rien révélé de grave. Sportivement c'est donc le perdant de ce weekend, puisqu'il échappe 25 points. Enfin 12.5.
Mais ne vous y méprenez pas, les perdants moraux de ce weekend ce sont tous les acteurs de la Formule 1 : les pilotes, les équipes, les fans, les organisateurs, la FIA, le circuit de Spa-Francorchamps, etc.
Qui a le plus gagné ?
Max Verstappen. Il a gagné une course sans faire la course. Il a économisé toute sa mécanique, n'aura pas pris de risques, et aura ramené une victoire de plus à son palmarès. Mais au-delà de ça, il reprend des points à Lewis Hamilton. La lutte entre ces deux n'est pas près d'être terminée, et ça nous ravit ! Espérons juste que le titre ne se joue pas à une dizaine de points d'écarts...
En bref.
+ George Russell étincelant, méritant, récompensé.
+ Lando Norris sur sa propre planète, avec un style unique et efficace.
+ Les progrès de la sécurité qui ont évité à ce weekend d'être un weekend marqué par des faits divers qui auraient pu être plus ou moins graves.
– Malgré cela, une gestion à deux sons de cloches de la part de la FIA.
– Un Grand-Prix inexistant et mal géré au possible.
– Le circuit qui a eu une très mauvaise publicité tout au long du weekend.
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