Débrief : Bahreïn 2022.
Elle était attendue cette reprise. Encore un peu plus attendue après les premiers essais, qui voyaient une hiérarchie différente de ce à quoi nous étions habitués. Et l'attente ne désemplissait pas après une séance de Qualifications serrée qui laissait entrevoir de premières réponses à nos interrogations, mais qui laissait aussi émerger de nombreuses autres questions. La seule certitude que l'on peut avoir à l'issu des 57 tours qui composaient ce Grand-Prix de Bahreïn 2022, c'est que cette saison est lancée, et peut-être de la meilleure des façons...
Ce n'est pas la Scuderia Ferrari qui dira le contraire, puisque Maranello parvient à placer ses deux voitures sur les deux plus hautes marches du podium. Et à ravir le meilleur tour en course. Et à signer la pole. Un message a clairement été passé à l'ensemble du plateau, de la part d'une équipe qui jusqu'à hier, refusait le rôle de favoris qu'on pouvait leur prêter.
Et pourtant, tout laisse à penser que Ferrari sera la force majeure de cette saison. La voiture semble très à l'aise aérodynamiquement, le moteur est incontestablement le plus puissant de la grille, et c'est une Scuderia métamorphosée que l'on retrouve également de l'autre côté du muret des stands. Car oui, fini les stratégies hasardeuses et les erreurs aux stands. À Bahreïn, c'est le calme, la sérénité et l'application qui auront grandement aidé les Rouges à s'imposer.
Les pilotes n'y sont pas pour rien non plus, bien au contraire même. Charles Leclerc a été impérial, d'abord en Qualifications, puis en course en repoussant à trois reprises les assauts du Champion du Monde en titre, Max Verstappen, et en gérant d'une main de maître une relance de course tardive qui aurait pu être très piégeuse.
Enfin, il faut également souligner l'excellent travail de Carlos Sainz qui, bien qu'en retrait de son coéquipier, est resté aux avant-postes pour maintenir la pression sur le clan Red Bull. Si toute l'année dernière nous a bien appris quelque chose, c'est qu'il est plus facile de remporter un titre avec deux voitures. Et Carlos Sainz pourrait être un Lieutenant idéal pour la Scuderia. Ou alors il aura envie de plus, et ça s'annonce flamboyant...
Paradoxalement à ce que présentent les résultats finaux, la menace qui plane au-dessus de Ferrari, c'est Red Bull. Max Verstappen, bien évidemment, en porte-drapeau, dès le Samedi en s'intercalant entre les deux monoplaces rouges, puis le Dimanche en mettant une immense pression à Charles Leclerc du début à la fin de l'épreuve. Mais ce que beaucoup redoutaient arriva : la fiabilité aura eu raison de ces nouvelles voitures.
Le Néerlandais d'abord, qui tout juste sorti des stands pour son troisième arrêt est rappelé dans son box. Il refuse, souhaite rester en piste et trouver une solution pendant qu'il chasse le leader de la course. Un pari risqué, qui aurait pu fonctionner si sa mécanique n'avait pas décidé de la lâcher à une poignée de tours de la fin. Et comme un souci n'arrive jamais seul, c'est son coéquipier qui, quasiment au même moment, reporte à son équipe des pertes de puissance.
À l'heure où ces lignes sont écrites, on ne sait pas exactement d'où vient le problème. Mais les feux allumés à l'arrière des monoplaces semble trahir un problème électrique, au niveau de la batterie, ou du système de récupération d'énergie. Une fin de course cruelle pour Red Bull qui avait pourtant réussi à réaliser une très belle épreuve.
Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Et quand il y a quelques mois, c'est l'Autriche entière qui dansait, c'est aujourd'hui leurs voisins allemands qui se réjouissent. Et à raison, car rien ne leur laissait espérer un podium ce weekend, et encore moins de repartir de Bahreïn avec la casquette de dauphin au classement des constructeurs.
Car cette voiture souffre. Elle souffre de marsouinage, cet effet secondaire de l'effet de sol qui fait sautiller la voiture à haute vitesse en ligne droite, et que l'équipe ne parvient pas à régler sans perdre de performance. Elle souffre d'un manque terrible de chauffe des gommes, qui rend la monoplace instable et très capricieuse. Elle souffre aussi d'un moteur bien moins performant que les autres. En bref, la Mercedes n'est plus la référence.
Et ce constat rend plus difficile la mise en lumière des performances de leurs pilotes. Car si Lewis Hamilton parvient à grimper sur la dernière marche du podium, c'est bien la seule chose positive qu'il y a à retenir de cette course pour Brackley, tant le reste semblait absent. Les deux pilotes étaient dans un no man's land, la stratégie était hasardeuse, et sans des faits de course à leur avantage, la fin aurait été bien moins heureuse. Il va y avoir du travail pour Mercedes...
Comme on pouvait s'y attendre, il y a un gap assez impressionnant entre ce trio de tête et leurs poursuivants. Et comme on pouvait également s'y attendre, le midfield est extrêmement serré, même si l'on peut dessiner une première hiérarchie approximative.
Et aussi surprenant soit-il, ce sont les deux Alpine qui semblent les mieux positionnés après cette épreuve. Pas sur le plan comptable directement, mais forcé de constater que les deux monoplaces terminent dans les points, et qu'hormis une faute d'Esteban Ocon au départ, le reste de l'épreuve est très solide. Le Français termine P7 quand Fernando Alonso place sa monoplace P9.
Une seule autre équipe des « autres » aura réussi à hisser ses deux voitures dans les points : Alfa Romeo. Grâce à un Valtteri Bottas impérial, qui signe une qualification sublime, et malgré une perte de rythme en course, profite bien des incidents devant lui pour tirer son épingle du jeu. Idem pour Guanyu Zhou qui sera resté dans le rythme de son coéquipier tout le long de la course, pour clôturer le top 10, et s'adjuger le premier point de sa toute jeune carrière.
Plus individuellement, on peut citer Kevin Magnussen, qui permet à Haas de terminer P5, à la suite d'une course discrète mais très solide. Une renaissance pour la structure américaine qui ne parvient pas à immiscer Mick Schumacher dans cette fête, l'Allemand terminant à la porte des points.
Enfin, pour terminer avec les pilotes qui repartent de Bahreïn avec un compteur débloqué, Yuki Tsunoda hisse son AlphaTauri P8, et profite lui aussi des incidents de course et de l'abandon de son coéquipier. Pierre Gasly qui réalisait une plutôt belle épreuve, avant de voir son moteur se couper et instantanément prendre feu. C'est d'ailleurs lui qui déclenche la Safety Car, qui dynamisera totalement la fin de course.
Pour conclure sur les bons points, il faut que l'on parle justement de cette Safety Car. Enfin, plus généralement, de la nouvelle Direction de Course. Pour ceux qui l'auraient oublié, Michael Masi n'est plus l'homme en charge de l'ordre en Formule 1. Et dès ce weekend, c'est l'un des deux petits nouveaux qui était à la manœuvre. Et c'est selon moi, une copie quasi parfaite qui a été rendue, du moins en Formule 1.
Les décisions sont claires, strictes certes, mais justes, et le temps de décision est assez rapide. Pour preuve cette fameuse intervention de la voiture de sécurité. Lorsque Gasly s'immobilise, c'est sans délai que la VSC est déployée. Une bonne méthode de ralentir tout le monde avant de prendre une véritable décision. Le verdict est très rapide, et la Safety Car est déployée en suivant. La procédure est respectée dans son intégralité, et même si cela prend un peu plus de temps, tout est fait dans les règles de l'art. Et c'est une très bonne chose.
Mais vous l'aurez compris, tout n'aura pas été beau et bon ce weekend. Et les trois équipes dont on n'a pas encore parlé, risquent de vivre une saison longue et douloureuse.
C'est ce qui était plus ou moins attendu pour Aston Martin à l'issu des Essais Hivernaux. La voiture semblait lente, pas forcément bien née, pataude, etc. Et ce que l'on pensait s'est naturellement confirmé ce weekend, avec deux monoplaces qui ne sortent même pas de la Q1. Lance Stroll est terriblement loin, et et même devancé par Nico Hülkenberg, remplaçant de luxe de Sebastian Vettel, victime du Covid. Le quadruple Champion du Monde devrait être de retour à Jeddah, pour nous permettre de situer un peu plus précisément le niveau de cette voiture.
Williams est aussi en grande difficulté, avec une voiture que l'on n'attendait pas au sommet, mais pas autant en difficulté non plus. Et ce malgré un très bon retour d'Alexander Albon qui aura permis à l'équipe britannique de se hisser en Q2, et de briller un peu en course. Sans grande réussite cependant. Nicholas Latifi est quant à lui totalement invisible, du début à la fin du weekend.
Mais la plus grosse déception est sûrement McLaren, que l'on attendait en souffrance, mais clairement pas autant. Car là où on imaginait que Woking allait servir de tampon entre le haut du panier et le reste, les voitures orange ont tout bonnement traîné en fond de peloton. Une stratégie désespérée qui s'est avérée être très mauvaise, et une course qui s'est plus apparentée à un long calvaire qu'autre chose. Là aussi, il va y avoir beaucoup de travail...
En bref.
Qualifications – Pole position de C. Leclerc.
| P. Gasly P10, E. Ocon P11.
Grand-Prix – Victoire de C. Leclerc, suivi de C. Sainz et de L. Hamilton.
| E. Ocon P7, P. Gasly DNF.
+ La rentrée ! La Formule 1 est de retour, et cela ne ressemble en rien à ce que l'on avait en tête.
+ Le superbe travail de la Scuderia Ferrari qui revient aux avant-postes et qui se positionne comme favoris aux deux titres.
+ Un midfield très serré qui annonce une lutte acharnée tout au long de la saison.
– McLaren en chute libre totale. L'équipe n'avait pas autant souffert depuis son partenariat avec Honda.
– La fiabilité du bloc Red Bull Power Train (c'est un moteur Honda...). Trois abandons sur quatre voitures.
– Lance Stroll, mit à l'amande par son coéquipier pigiste. Et ce n'est pas la première fois.
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