Nogaro : terre de monoplace.
- T.L.
- 16 avr. 2022
- 8 min de lecture

Ce weekend pascal est, comme il est de tradition depuis plus de 50 ans, hôte des désormais célébrissimes Coupes de Pâques de Nogaro. Et bien que l'événement majeur soit le GT4, la monoplace y a une place toute particulière, puisque la FFSA Formule 4 y lance sa saison, avec de nombreuses nouveautés en 2022.
Mais ce n'est pas le seul moment de l'année où les monoplaces prennent possession du Circuit Paul-Armagnac, bien au contraire. En effet, le tracé installé au cœur du Gers entretient une relation toute particulière avec nos amies à quatre roues, de la Formule 4, jusqu'à la Formule 1. Nombreux sont les grands champions qui ont gagné ici, sur un tracé technique, à la fois rapide et sinueux. Bref, un circuit parfait pour les tests et la formation non...?
Bon, on arrête avec ce teasing, et on rentre dans le vif du sujet. Alors mesdames et messieurs, je vous propose de plonger ou de replonger avec moi dans la fabuleuse histoire d'amour qui lie Nogaro à la monoplace.
Un peu d'histoire...
Avant toute chose, on se doit de présenter rapidement le tracé Paul-Armagnac, véritable monument du sport automobile français. À vrai dire, c'est même une relique, puisque lors de son inauguration en 1960, il est le tout premier circuit permanent de France.
C'est, comme son nom l'indique, la famille Armagnac qui est à l'origine du circuit. Paul Armagnac, pilote, souhaite dédier un endroit à la course auto (et moto) pour des questions de sécurité. Jean Armagnac, son père, est alors le gérant de l'aérodrome juxtaposé au tracé actuel. Vous l'aurez compris, Papa décide de laisser une grande parcelle de terrain à son fils pour qu'il y trace un circuit, d'ailleurs inspiré de celui de Sebring, aux États-Unis. La boucle Sud était née.
Il faudra attendre 1973 pour que le tracé prenne sa forme presque actuelle. L'escargot de la boucle Nord arrive en 1989, pour porter la longueur du circuit à 3 636 mètres. Depuis, à part les infrastructures, et la ligne de départ déplacée en 2007, la piste n'a pas changé.
Le Grand-Prix de Nogaro.
C'est la toute première épreuve de l'Histoire du circuit Paul-Armagnac. De 1960 à nos jours, une seule édition n'a pas pu être organisée, en 2006, à cause des travaux menés pour déplacer la ligne droite de départ/arrivée. Sinon, en plus de 60 ans, de nombreux champions français et étrangers se sont succédés sur la plus haute marche du podium de cet événement.
La première édition voit des Formule Junior s'affronter. Mais on est encore loin du prestige que gagnera le circuit par la suite, puisqu'à cette époque, le chronométrage se fait grâce à une machine agricole, et les spectateurs sont protégés par des traverses de chemin de fer. Niveau infrastructure, on était très loin du compte...
Malgré cette première rupestre, l'épreuve perdure dans le temps et gagne en notoriété. Ainsi, la Formule Junior est remplacée en 1964 par le Championnat de France de Formule 3. Pendant 8 ans, de grands noms du sport automobile français se succèdent au palmarès : Henri Pescarolo (1967), François Cevert (1968), Jean-Pierre Jabouille (1971), et Jean-Pierre Jaussaud, double vainqueur en 1966 et 1970.
Après deux années de prototypes, la monoplace est de retour en tête d'affiche du Grand-Prix, grâce au Championnat d'Europe de Formule 2. Patrick Tambay remporte l'édition de 1974, sur une Elf 2 motorisée par BMW. Puis l'édition de 1975 sur une March-BMW. Puis l'édition de 1976 sur une Martini MK. Puis... Non, quand même pas, faut pas abuser...
Trois années de domination pour Patrick Tambay, qui passera sa chemise de vainqueur à René Arnoux en 1977. En 1978, Bruno Giacomelli est le premier étranger notable à s'imposer lors du Grand-Prix de Nogaro. Il continuera ensuite son ascension jusqu'en Formule 1, où il signera une pole position et obtiendra un podium.
En 1980, c'est le retour du Championnat de France de Formule 3, qui sera remplacé en 1985 par du GT. Une pause donc jusqu'en 1990, année de l'arrivée à Nogaro de la Formule 3000, antichambre de la Formule 1 de l'époque. Pendant quatre saisons, Eric van de Poele (5 départs en F1), Christian Fittipaldi (40 départs en F1), Luca Badoer (50 départs en F1) et Franck Lagorce (2 départs en F1) inscriront leur nom au palmarès de l'épreuve, dans ce qui reste actuellement les éditions les plus prestigieuses du tracé en ce qui concerne la monoplace.
En 1994, la monoplace est à nouveau remplacée par du GT, et ce jusqu'au reformatage de l'épreuve en 2005...
Les Coupes de Pâques.
On retourne dans le passé, pour aller en 1968, quand les gérants du Circuit Paul-Armagnac de Nogaro décident d'organiser un second événement majeur : les Coupes de Pâques. Cet événement, qui n'a jamais connu la moindre interruption, même en période Covid, est aujourd'hui le weekend-phare de chaque saison du circuit. Cela s'explique là aussi par une histoire riche, et un palmarès doré.
Le tout premier nom a être inscrit sur ces tablettes, c'est celui de Jean-Pierre Jaussaud, en 1968, 1969, et 1970. Celui qui n'aura été "que" pilote d'essai en Formule 1 aura donc réussi à inscrire son nom dans l'Histoire du circuit lors de plusieurs événements majeurs. À l'occasion des Coupes de Pâques, c'est également pour le Championnat de France de Formule 3 qu'il s'illustre.
La catégorie sera d'ailleurs à l'affiche du weekend pascal jusqu'en 1973, et verra d'autres pilotes français, futurs pilotes de Formule 1, s'imposer. C'est par exemple le cas de François Migault (13 départs en F1), vainqueur à Nogaro en 1971, et de Michel Leclère (7 départs en F1), vainqueur dans le Gers en 1972.
En 1974, les prototypes sont à l'affiche pour une seule petite édition. Dès l'année suivante, c'est la Formule Renault qui attire toute l'attention, et pas n'importe laquelle, puisque c'est le Championnat d'Europe. De 1975 à 1977, trois français se succèdent, dont un jeune inconnu à l'avenir promis de succès : Alain Prost.
Après ces trois éditions, c'est le Championnat de France de Formule Renault que les spectateurs retrouvent, avant que ce dernier soit remplacé en 1981 par le Championnat de France de Formule 3. Une sublime histoire d'amour commence alors entre le circuit Paul-Armagnac et la catégorie, puisque de 1981 à 2002, la Formule 3 est la tête d'affiche des Coupes de Pâques.
À son palmarès, on retrouve de très jolis noms, comme Yannick Dalmas (24 départs en F1, 4 victoires aux 24h du Mans, Champion du Monde Endurance 1992) vainqueur en 1986, Jean Alesi (que l'on ne présente plus) vainqueur en 1987, Erik Comas (59 départs en F1) victorieux en 1988, Stéphane Sarrazin (1 départ en F1, 37 départs en Formula E) vainqueur en 1997, Franck Montagny (7 départs en F1) vainqueur en 1998, Sébastien Bourdais (27 départs en F1, Champion de ChampCar (ancienne IndyCar) en 2004, 2005, 2006 et 2007) vainqueur en 1999, etc.
Comme pour le Grand-Prix de Nogaro, les Coupes de Pâques laissent la tête d'affiche au GT et prototypes à la fin des années 1990/début des années 2000, pour reléguer la monoplace au statut de catégorie support.
La Formule 1 à Nogaro.
Vous l'avez remarqué, je n'ai pour l'instant pas parlé de Formule 1. Pourtant, la catégorie reine du sport automobile est bel et bien venue à Nogaro, et à plusieurs reprises...
La première fois, c'est en 1979, dans le cadre du Grand-Prix de Nogaro. Eh oui, vous ne rêvez pas, Nogaro a bien accueilli une course officielle de Formule 1. Bon, on doit juste vous préciser que c'était le Championnat de Grande-Bretagne de Formule 1... Et que c'était vraiment pas folichon, puisque la discipline n'a couru que quatre saisons, en 1978, 1979, 1980 et 1982, et que des Formule 2 complétaient la grille de chaque événement. À Nogaro, c'est Emilio de Villota (2 départs en F1) qui gagne cette seule édition. Et si son nom vous dit quelque chose, c'est normal, il est le père de Maria de Villota, pilote d'essai chez Marussia F1 Team en 2012, qui est décédée en 2013 des suites d'un accident subit justement lors de son passage en Formule 1.
Plus sérieusement, de vraies Formule 1, engagées dans le Championnat du Monde de Formule 1, ont foulé la piste de Nogaro. Bon, là aussi c'était un peu particulier, on vous l'accorde, puisque c'était en 2010, pour fêter les 50 ans du Grand-Prix de Nogaro, et que c'était un plateau historique. C'est une McLaren MP4/1B (4 victoires en F1), pilotée en 1982 par John Watson et Niki Lauda, qui s'imposait. Une édition particulière du Grand-Prix, puisque des Formule 2, des Formule 3, des Formule Renault, et même des Formule Junior étaient du rendez-vous.
Bon, promis, j'arrête de jouer avec vous : de véritables Formule 1, pilotées par de véritables pilotes de Formule 1 ont bien arpenté le bitume gersois. Et plus d'une fois.
Pêle-mêle, des Lotus, Williams, BAR et BMW, pilotées par des Alain Prost, Ayrton Senna, Jacques Villeneuve, Olivier Panis, Jenson Button, Nelson Piquet, Damon Hill et Nigel Mansell venaient passer quelque temps à Nogaro pour des tests entre la fin des années 80 et le tout début des années 2000.
De par son dessin, le tracé de Nogaro était un parfait terrain d'entraînement pour les pilotes et les équipes à l'aube du Grand-Prix de Monaco. Ainsi, de nombreuses équipes venaient profiter d'infrastructures alors très modernes, et d'une piste sinueuse, pour trouver quelques préréglages avant de partir à l'assaut de la principauté.
Malheureusement, le Championnat du Monde de Formule 1 n'a jamais posé ses valises à Nogaro pour une épreuve officielle, ni pour une épreuve hors championnat. À l'époque, le tracé était pourtant aux normes. Ce n'est aujourd'hui plus le cas, le Circuit Paul-Armagnac étant Grade 2, quand la FIA exige un Grade 1 pour accueillir la catégorie reine, même en essais.
Nogaro et la monoplace aujourd'hui.
Aujourd'hui, la monoplace est bien moins présente sur le plan sportif, le Circuit Paul-Armagnac étant devenu un hub multidisciplinaire, réunissant aussi le GT, la moto, les camions, et de nombreuses déclinaisons de toutes ces disciplines.
On en retrouve tout de même lors des principaux événements du tracé, à savoir le Grand-Prix de Nogaro, les Coupes de Pâques, et également avec le passage de la Coupe de France des Circuits, qui amène un plateau très hétéroclite, allant de Formule Ford à d'anciennes Formule Renault 2.0, voire même plus encore.
Lors des Coupes de Pâques, comme ce weekend, c'est la FFSA Formule 4 que l'on retrouve pour sa manche d'ouverture, comme c'est devenu le cas, sans interruption, depuis 2017. De grands talents se sont toujours illustrés : Victor Martins, Théo Pourchaire, Arthur Leclerc, Hadrien David, Isack Hadjar, Ayumu Iwasa et l'an dernier Esteban Masson.
On retrouve d'ailleurs souvent la FFSA Formule 4 à Nogaro, car le circuit est propice aux essais. Un héritage, peut-être, du Volant Motul, créé en 1971 et présidé par Henri Pescarolo, qui aura vu 19 lauréats, dont un, Philippe Streiff(Vainqueur Grand-Prix de Nogaro 1980 et 1981), arriver jusqu'en Formule 1 (53 départs).
Pour le Grand-Prix de Nogaro, comme nous l'avons évoqué plus haut, depuis 2005 il a été repensé. Depuis, il est principalement historique. Ainsi, en 2005, de la Formule 3 classique était au rendez-vous, tout comme en 2009, 2011, 2012, 2013, et 2016. En 2010, on avait de la Formule 1, comme précisé plus haut également.
Dernier point sportif, le record du tour du circuit qui reste, encore à ce jour, attribué à un certain Alessandro Zanardi (41 départs en F1, Champion CART (ancêtre de l'IndyCar) en 1997 et 1998, et multi Champion du Monde et Paralympique en cyclisme handisport). En 1991, il avait alors bouclé le tour du circuit en 1:20.160 à bord d'une Formule 3000.
L'héritage de la monoplace reste tout de même présent sur le tracé, enfin plutôt autour, avec les infrastructures proches. Je pense notamment à l'École de la Performance, école très prestigieuse, qui forme les ingénieurs et mécaniciens du sport automobile. Si la FFSA Academy du Mans est orientée uniquement vers la monoplace, ce n'est pas le cas de l'École de la Performance, qui, comme le Circuit Paul-Armagnac, est multidisciplinaire. Mais le pôle monoplace reste important, à l'image de la promotion de 2016 qui avait vu 12 stagiaires foncer vers la Formule 1 ; 12 chez Renault et un chez Haas.
----------
En bref, Nogaro a connu, dans les années 80 et 90, son âge d'or de la monoplace, avec des catégories très relevées, des pilotes de renom, une école de pilotage, et le passage réguliers de Formule 1. Et bien que de nos jours, la monoplace ne soit qu'un maillon de l'immense chaîne de rendez-vous proposé par le Circuit Paul-Armagnac, son héritage n'est pas oublié, les pilotes sont ravis de venir y rouler, et les héros de demain s'y révèlent. Finalement, comme à l'époque...
Comentários