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Derrière la visière de... Suleiman Zanfari.


FORMULA.
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Unique pilote marocain en formules de promotion, Suleiman Zanfari, 16 ans, est clairement sur une pente ascendante dans sa carrière. Évoluant chez MP Motorsport pour sa troisième saison complète de F4 espagnole, Suleiman Zanfari a décroché son premier podium à Portimao. Avant cela, il s’était déjà distingué en portant haut les couleurs de son pays sur la scène internationale de karting, terminant notamment 7e du FIA Academy Trophy et 9e du Championnat du Monde en 2018.


Peu avant la deuxième manche de la saison à Jerez, il s’est confié à moi pour revenir sur sa carrière, ses débuts, sa fierté de représenter le Maroc et sa région, qui poussent pour se faire une place en Formule 1.



Mesdames et Messieurs, je vous propose donc de passer avec moi, derrière la visière de Suleiman Zanfari.



Bonjour Suleiman ! Pour ceux qui ne te connaîtraient pas, est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots ?

Alors je m’appelle Suleiman Zanfari, je suis un pilote marocain, j'ai 16 ans et je fais de la compétition depuis 10 ans. Cette année, je suis engagé en F4 espagnole avec MP Motorsport et je suis monté sur mon premier podium dès la première manche à Portimao, fin Avril. Je suis aussi au CNED pour mes études et je suis en Première, donc je prépare mon bac de français cette année.


La F4 espagnole est un championnat en pleine émergence et le plateau devient de plus en plus compétitif. Quels sont tes objectifs dans ces conditions ?

Mon objectif c’est d’être dans le top 5 au classement général. Ça me parait raisonnable. Face à des pilotes comme Hugh Barter [leader de la FFSA F4 NDLR.], Kiril Smal [3e de F4 italienne l’an dernier NDLR.] et Nikola Tsolov [protégé d’Alpine NDRL.], on peut dire que le niveau du championnat est vraiment super élevé, bien plus que les années précédentes. De rouler face à des pilotes aussi forts, ça me rajoute une motivation supplémentaire, et ça me rend plus fort aussi je pense.


La Formule 1, malgré un Grand Prix dans les années 50, est très peu implantée au Maroc, et même en Afrique. Qu’est-ce qui t’a donné cette passion pour la course automobile ?

Ça va peut-être paraître bête, mais c’est le film Cars, le premier. Après, évidemment, quand je me suis intéressé de plus près à la F1, au sport automobile, etc, celui qui m’a le plus inspiré, c’est Ayrton Senna.


Est-ce que tu sais si tes performances sont suivies par tes compatriotes ? Est-ce que le sport automobile n’est pas considérée comme trop « élitiste » par rapport à des sports plus accessibles comme le football par exemple ?

C’est assez récent mais les gens suivent vraiment mes performances maintenant. Quand j’ai fait mon podium à Portimao, il y a eu la presse nationale, je suis passé au journal télévisé, il y a eu beaucoup d’articles. Mais c’est clair qu’en karting, c’était beaucoup plus discret. Et c’est pareil pour les sponsors, ils ne sont intéressés que depuis que je suis en F4.


Justement, en karting, comment ça se passait ? Le karting au Maroc n’est pas très développé, si ?

J’ai été formé par les Italiens en fait, j’ai fait ma première course, à 8 ans, à La Trenta, avec un podium en 60 Baby. J’ai reçu une formation de pilote italien, en commençant très tôt dans ce pays qui est LE pays du karting. Pour comparer, les pilotes français par exemple, pour ceux qui font des courses internationales, débarquent en Italie vers 12 ans. J’ai fait 9e du championnat du monde de karting (sur 113 pilotes), j’ai fait le FIA Academy Trophy (7e en 2018).


J’avais souvent beaucoup moins de roulage que la plupart des pilotes car les budgets, même en kart, sont déjà très élevés. Une journée d’essais de karting coûte facilement 2000 euros par jour, donc sur l’année on était autour de 200 000 euros... Mais certains étaient plutôt vers 500 000 euros, voire plus.

Et puis au Maroc, il y a beaucoup moins d’infrastructures. Il y a cinq circuits de haut niveau, mais il faudrait aussi plus d’écoles, de karts, de tout, car il y a plein de pilotes qui veulent rouler, plein d’enfants viennent au circuit à côté de chez nous. Mais à Fès par exemple, il n'y a rien. Si les infrastructures sont mises à disposition, ça peut marcher. Quand on voit le boom qu’il y a eu aux Emirats Arabes Unis, ou bientôt en Arabie saoudite, avec des championnats de F4, des compétitions de kart comme la Dubaï-O-Plates, etc, c’est la voie que doit suivre le Maroc.


On est encore à un stade très embryonnaire au Maroc. Mais c’est en train de se développer ! Mohamed ben Sulayem, quand il était vice-président de la FIA, a entièrement subventionné l’organisation de la MENA (Middle East & North Africa) Karting Cup avec tous les pilotes de la zone, et c’était un événement fondateur sur la région. La première année, on était six pilotes marocains, la deuxième année, on est passé à 19. Ça se développe. Il y a un championnat du Maroc aussi. Il y a une vraie volonté de développer le karting.


Tu parles beaucoup des autres pays proches géographiquement du Maroc. Au-delà de porter les couleurs de ton pays sur la scène internationale, est-ce qu’il y a aussi une fierté de représenter l’Afrique entière ?

C’est une bonne question... Oui, forcément c’est une fierté d’être l’un des seuls pilotes du continent. Mais le Maroc est un pays africain et arabe. En termes de sponsoring, de marketing, si on regarde aujourd’hui, il y a au moins 4 GP dans la zone MENA [Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Qatar, NDLR.], et il n’y a aucun pilote de cette région de 500 millions de personnes. Je pense qu’il y a de la place pour qu’il y ait un pilote régional. Et aujourd’hui en formules de promotion, le seul pilote de la zone MENA, c’est moi.

En Formule 1, avec les États-Unis, Liberty Media veut absolument un pilote américain, ça crée beaucoup d’engouement auprès du public localement, bien plus que de multiplier le nombre de Grand-Prix. Donc si je monte un jour en F3 ou en F2, si je cours dans la région MENA sur quelques courses, il y aura forcément un engouement. C’est probablement ma seule chance pour accéder à la Formule 1 d'ailleurs. Les résultats comptent bien sûr, mais on sait que ça ne suffit pas, il faut aussi les soutiens. En attendant, de mon côté, j’essaye de travailler à fond et de donner le meilleur de moi-même.


Mais on le sait, le nerf de la guerre, c’est les sponsors. Et une grande partie du futur de la F1 sera dans la MENA. Il y a de gros sponsors saoudiens, émiratis, qataris, etc. ils investissent énormément dans la région sur le sport. Il y a un grand potentiel. Les grandes multinationales africaines ne sont pas super intéressées, alors qu’il y a beaucoup plus d’intérêt venant de la MENA.


Revenons sur ta saison de F4 espagnole. Pourquoi avoir choisi ce championnat tout d’abord ?

Ce qui est plus intéressant par rapport à la F4 italienne, c’est que la compétition est beaucoup plus homogène : une dizaine de pilotes jouent la victoire à chaque fois. Et les pilotes n’ont pas le droit de rouler en tests, en dehors des journées organisées par le championnat. Ça ressemble beaucoup à la FRECA puisque personne ne peut faire 80 ou 100 jours de tests en F4 comme certains le font en Italie. Ça fait une grosse différence et tout le monde a sa chance. C’est pour ça que Nicolas Todt y place ses pilotes, le Volant Richard Mille aussi, Alpine aussi. Et puis je pense même que le niveau est supérieur cette année en Espagne qu’en Italie.


C’est ta troisième année dans le championnat, mais sûrement ta dernière dans cette catégorie...

Oui c’est vrai, techniquement c’est ma troisième année vu que j’avais commencé en 2020. Mais c’était une saison particulière avec le COVID, j’avais fait très peu de tests, donc j’ai pris cette année comme une saison de tests. Dans ma tête, là, c’est ma seconde année. Et avec MP Motorsport, je suis dans un super team, ça travaille bien, c’est carré. Je n’ai aucun pépin sur ma voiture, c’est super professionnel, c’est incroyable.


Le seul bémol en fait, c’est qu’on a changé de voiture entre 2021 et 2022, donc ça remet un peu à zéro, j’ai moins d’avantage sur les rookies. La nouvelle voiture est plus similaire à la FRECA selon mon coach français Bruno Besson et ça m’aidera plus pour la saison prochaine, car j’espère passer en FRECA en 2023.


Nous ne sommes encore qu’au début de l'année mais tu as déjà des projets pour la saison prochaine ! Et pour le plus long terme ?

Évidemment, l’objectif de tout pilote ça reste la Formule 1. Ça sera clairement pas évident car le nombre de places est très limité, il faudra bosser dur, avoir les résultats, et surtout avoir les bonnes opportunités, les bons soutiens. Mais je suis aussi ouvert à l’endurance, le GT, la FE, etc. Mais je n’y pense pas trop pour le moment.


En tant que pilote marocain, on est obligés de t'en parler : tu dois être le premier partisan pour que la Formule 1 revienne en Afrique, et surtout au Maroc...

Forcément ! Il y a deux destinations possibles avec l’Afrique du Sud et le Maroc. À mon sens, je pense que le Maroc a de meilleurs arguments. Déjà, niveau sécurité, c’est bien plus sûr au Maroc, et surtout c’est beaucoup plus proche des bases des usines européennes des teams. C’est beaucoup plus facile pour les teams européens de bouger leurs camions via Tanger, prendre le réseau autoroutier, tandis que pour l’Afrique du Sud, tout serait par avion. Avec le Maroc, les coûts seraient plus bas. J’ai entendu que le prix que demandait Liberty Media pour le Maroc, était un prix « européen » [semblable aux GP européens bien moins chers que ceux au Moyen-Orient par exemple, NDLR.].


Et là où le Maroc a toujours été très fort, c’est qu’on sait organiser des événements. Des rallyes, le Trophée des Gazelles, le 4L Trophy, le WTCC devenu WTCR qui va revenir l’an prochain, et la Formule E. Le parent pauvre du sport automobile marocain reste les pilotes, mais ça va changer ! Et s'il y a un Grand-Prix du Maroc de Formule 1, c’est sûr qu’il y aura un investissement massif sur ce niveau. On pourra même espérer un championnat de monoplaces local.


Propos recueillis en Mai 2022.

Article bouclé le 31 Mai 2022.


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