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T.L.

Dans le rétro de... Alexandre Prémat.


FORMULA.
FORMULA.

Pour terminer notre très long diptyque sur les catégories de monoplaces disparues, nous souhaitions plonger dans le rétro de l'un des acteurs de l'un des championnats traités hier. Et qui de mieux pour cela qu'un homme titré dans sa catégorie, et plus globalement, à la carrière riche de victoires et d'anecdotes ?



Pour présenter rapidement notre invité du jour, Alexandre Prémat, on peut exposer son parcours en monoplace : des débuts en Formule Campus en 2000, puis deux saisons de Formule Renault française, dont un titre en 2002, deux années de F3 Euro Series, deux années de GP2, et quelques tours passés derrière un volant de Formule 1, en tests privés et en séances officielles, avec Spyker lors du Grand-Prix de Chine 2006. Et bien évidemment, pour rester raccord avec notre thème de ce weekend, une saison en A1GP ponctuée par le tout premier titre de la catégorie.


On peut ajouter à ce pedigree déjà très impressionnant, deux victoires majeures en F3, avec les Masters de Zandvoort et le Grand-Prix de Macao, et (vous commencez à me connaître, moi et mon amour pour Pau), une victoire dans les rues françaises, même s'il fût disqualifié en suivant.


Tout au long de sa carrière, il aura côtoyé et affronté des pilotes qui auront fait l'Histoire de notre sport préféré : Lucas Di Grassi, Robert Kubica, Nico Rosberg, ou encore Lewis Hamilton. Le tout sous la tutelle, un temps de Mercedes, puis sous le management d'un certain Toto Wolff.


Bref, vous l'aurez compris, notre invité du jour est un pilote que l'on ne présente plus aux amateurs de monoplace, et que les néophytes méritent bien de connaître. Et ça tombe bien, il a accepté de répondre à nos questions...



Mesdames et Messieurs, nous vous proposons donc de regarder avec nous, dans le rétro d'Alexandre Prémat.



Pour commencer, est-ce que vous pouvez nous parler de vos débuts ? Comment est-ce que vous avez été initié au monde du sport automobile ?

J'ai passé toute ma vie dans le sport automobile, depuis tout jeune, grâce à mon père qui était un grand passionné de course. Je me souviens qu'il faisait beaucoup de courses de kart avec ses potes ou son frère. J'ai en tête les 24h de Brignoles par exemple, mais il roulait vraiment plus pour le plaisir qu'autre chose. Forcément, quand il y a quelqu'un qui est passionné et qui est attaché à quelque chose... On va dire qu'il m'a donné son addiction au sport automobile.


On partait les weekends faire des courses à droite à gauche, mais sans attentes, sans objectifs. C'était vraiment plus pour faire une activité entre père et fils. Sauf qu'à force, on en veut toujours plus... J'ai été Champion de France, Champion d'Europe, j'ai fait une Coupe du Monde aussi. Logiquement, le choix après tout ça, c'était la monoplace.



Vous arrivez en Formule Campus en 2000 [première étape de la filière Elf à l'époque, un équivalent de la FFSA Academy aujourd'hui NDLR.], puis en 2001 et 2002 vous êtes inscrits en Championnat de France de Formule Renault. À cette époque, vous avez entre 18 et 20 ans, ce qui est assez vieux aujourd'hui. C'était déjà le cas à cette période ?

Aujourd'hui c'est vieux oui ! (rires). C'était un petit peu le cas déjà. En Formule Campus pas tellement, beaucoup de jeunes avaient ces âges-là aussi, puis quand on était au Mans, on devait se véhiculer, donc on avait le permis. Mais on savait qu'il y avait déjà des pilotes précoces. Je ne vais pas dire que c'était tard, mais ce n'était pas très tôt non plus, on va dire qu'on était à la limite.


Mais tout le système était comme ça. La filière Elf prenait des jeunes de 16 ans, mais à cette époque-là, ils n'avaient pas la même maturité qu'un jeune de 16 ans d'aujourd'hui. Nous on n'avait pas autant de simulateur, de tracking, de recherches, de data. On était plus dans le pur feeling. Aujourd'hui, même au kart les jeunes savent faire de l'acquisition de donnée etc.



Quand vous commencez la monoplace, vous rêviez de quoi ? Vous aviez plutôt la Formule 1 en ligne de mire ? Les 24h du Mans ? Autre chose ?

C'était vraiment la Formule 1. Toute notre époque, Loïc Duval, Nicolas Lapierre, Olivier Pla, on était tous à vouloir la Formule 1. On savait que Le Mans c'était une très belle course, mais il y avait très peu de jeunes qui le faisaient. C'était plus des pilotes expérimentés ou des Gentlemen Drivers. Je dirais que c'est entre 2007 et 2014 que Le Mans a vraiment été dans la tête des jeunes, et que c'est devenu un objectif. Mais oui, à notre époque, tout le monde rêvait d'aller en Formule 1. Je m'en souviens, c'était Formule 1, Formule 1, Formule 1...



À l'issue de ces trois années, vous obtenez un baquet en Formule 3 Euro Series pendant deux années : 2003 et 2004. Quand j'ai préparé cet entretien, il y a une chose qui m'a vraiment sauté aux yeux, ce sont vos victoires dans ce que j'ai envie d'appeler la Triple Couronne des jeunes : les Masters de Zandvoort, le Grand-Prix de Macao, et, même si vous en avez été disqualifié, le Grand-Prix de Pau. Pour un jeune pilote, qu'est-ce que ça représente de gagner de telles courses ?

C'est vrai que c'était les plus grosses courses internationales. Bon, Pau, je gagne la Course 1, et en Course 2 alors qu'il y a un drapeau jaune à la chicane Foch, je ne ralentis pas assez, je tape la voiture, derrière, Nico Rosberg tape aussi... Je me souviens que j'avais fracturé le pied d'un des commissaires de piste qui essayait de dégager la voiture... Je suis passé devant la Commission des Sports et ils ont décidé de me disqualifier de tout le weekend...


Pour Macao et Zandvoort, les gagner devant des pilotes comme Kubica, Hamilton, Rosberg, Di Grassi, c'était excellent. Forcément ce sont des grosses victoires. C'est aussi ça qui m'a poussé vers les catégories supérieures.



Ça vous a aussi donné une certaine crédibilité, notamment pour arriver en GP2.

Oui c'est ça. Mais étant donné que j'ai fait quasiment tout mon parcours chez ART, c'était un peu une suite logique.



Vous êtes alors coéquipier de Nico Rosberg en 2005, puis de Lewis Hamilton en 2006. On connait leurs carrières respectives et leurs palmarès, tous les deux sont Champions du Monde. Est-ce que déjà à cette époque, vous leur prêtiez ce petit truc en plus qui pouvait faire d'eux des grands champions ?

Non pas spécialement. C'est plus les gens qui leur prêtaient ça. Après oui, il y a des moments clés dans leurs carrières, surtout chez Lewis, mais bon. C'était surtout les médias qui en faisaient beaucoup en fait. Par exemple, si je finissais premier et Lewis deuxième, ils allaient parler de lui. Donc en terme de médiatisation, ils avaient un pouvoir énorme, tout le monde ne parlait que d'eux, et dès le karting ! Donc ça leur donnait peut-être de la confiance, ils avaient moins de problèmes de budgets, etc. Mais bon, je me disais que peu importe qui j'avais comme équipier, je voulais gagner et faire mieux que lui.



Et vous justement, les médias vous prêtaient moins ce truc ? Comment est-ce que vous le ressentiez ?

Je n'ai jamais été vraiment fan des médias ! (rires). Je n'accorde pas beaucoup d'interviews, parce que souvent, soit les médias en racontent trop, soit ils n'en racontent pas assez, soit ils sont complètement à côté de la plaque... Enfin, je ne parle pas des médias spécialisés parce que c'est différent. Mais c'était aussi à nous de sentir ça et de le gérer. Même si moi j'étais assez cadré vu que j'étais pilote de la FFSA : on avait des sessions médias mais c'était en France, ça n'était pas à l'international. Aujourd'hui c'est plus ouvert.



Durant cette période où vous êtes en GP2, vous participez aussi à la première saison de l'A1GP. Comment c'est arrivé ?

En fait, avant que ce soit mis en place, tout le monde en parlait, et tout le monde voyait le potentiel de la France. On se demandait quels pilotes allaient être pris, si ça allait être des jeunes pilotes, des pilotes plus âgés, le positionnement du championnat, etc. Quand ça s'est précisé, en tant que jeunes, on voulait représenter la France. On se disait que si on n'y était pas, on aurait l'impression de ne pas être au niveau...


Nicolas Lapierre [son coéquipier pour la saison NDLR.] et moi, on a été démarché par DAMS [qui gérait l'Équipe de France en A1GP NDLR.], donc par Jean-Paul Driot et Éric Boullier. C'était marrant parce qu'on était leurs concurrents en GP2 : moi j'étais chez ART et Nicolas était chez Arden. Mais ils voulaient deux personnes rapides, sympas et qui s'entendaient bien, donc on s'est engagé dans cette aventure et c'était vraiment très sympa.



Vous en pensez quoi du concept de ce Championnat ?

Ah bah moi j'en pense que c'était super ! Aller partout dans le monde, sur tous les continents, pour représenter la France.. C'était vachement bien orchestré en plus. C'était un peu les Jeux Olympiques du sport automobile. Je trouve qu'il y avait une belle identité.


Après, ils ont décidé de changer les moteurs et de prendre des moteurs Ferrari, donc ça coûtait plus cher, les financements arrivaient moins, puis le championnat était aussi en conflit avec la Formule 1. Bernie Ecclestone n'avait pas apprécié l'idée, il trouvait que ça faisait de l'ombre à la Formule 1. Je suis sûr qu'il y a eu des choses pour stopper le projet. Mais c'est dommage car c'était un très beau championnat. C'était l'un des plus beaux même, on faisait de superbes circuits, très atypiques. J'ai de super souvenirs et il y avait un gros niveau.



Vous ne faites qu'une seule saison, que vous gagnez assez largement d'ailleurs. Ce titre, quel crédit cela apporte à un pilote ?

C'est toujours gratifiant. On a dû gagner 60% des courses [13 victoires sur 22 possibles, soit 59,09% NDLR.], pourtant on n'avait pas une voiture vraiment différente des autres, plusieurs autres pilotes avaient les même setups que nous. Mais on était dans une phase ascendante, la confiance était là, donc ça s'enchaînait super bien. Les autres se demandaient même comment on faisait, si on trichait ou si on était surhumains ! (rires). Mais oui, ça apporte du crédit. Jean-Paul Driot avait d'ailleurs parlé de moi à Bernie Ecclestone pour que je puisse avoir un accès à la Formule 1. Donc c'est sûr que ça booste toujours une carrière oui.



Pourquoi ne pas être revenu ensuite ?

L'année d'après j'ai signé chez Audi Sport en DTM, et comme c'était ma première année, je voulais faire les choses bien. Et puis en tant que pilote constructeur, je ne pouvais pas non plus aller rouler à droite à gauche, je n'étais pas libre de faire ce que je voulais. Mais c'est dommage parce que j'aurais bien refais de l'A1GP, oui. Enfin c'est sûr même.



Avant de parler de votre période en Formule 1, j'aimerais que l'on parle des financements. Aujourd'hui, beaucoup de pilotes se plaignent, et à raison, des coûts du sport automobile. Alors je me doute qu'à votre époque c'était déjà très cher, mais comment est-ce que vous boucliez vos budgets ?

C'est vrai qu'aujourd'hui tout coûte beaucoup plus cher : l'engagement, les voyages, la logistique, etc. Tout coûte vraiment plus cher. Moi la chance que j'ai eue c'est d'avoir été entouré. D'abord grâce à la filière Elf, qui m'avait payé 150 000 euros sur les 200 000 euros de ma première saison de Formule Renault. Quand j'ai été Champion de France Formule Renault en 2002, j'ai intégré Mercedes qui me payait la moitié de la saison, puis après c'est Toto Wolff qui m'aidait à hauteur de 45% ou 65% du budget. Puis avec ART et Nicolas Todt, il y avait Marlboro qui sponsorisait l'équipe donc ça allégeait les coûts aussi.


J'ai eu de la chance, et je vois comment c'est compliqué parce que même si mon père avait une société, qu'il avait des fournisseurs etc, c'est toujours compliqué de demander des grosses sommes d'argent...



Et comment vous arrivez en Formule 1 ?

Déjà il faut savoir qu'à cette époque, très peu de pilotes faisaient des tests en F1, ce n'était pas comme aujourd'hui. L'année avant moi, il n'y en avait eu que deux... Toto Wolff, qui était mon manageur, connaissait bien Colin Kolles, le directeur de Spyker. Un jour il m'a appelé en me disant que l'équipe voulait faire un essai à Silverstone, voir mes performances, et qu'ils cherchaient un troisième pilote notamment pour des essais officiels pour le Grand-Prix de Chine.



Deux séances d'essais libres donc. C'est toujours deux de plus que moi par exemple (rires). Question un peu simple et bateau, mais ça fait quoi de conduire une Formule 1 dans une séance officielle ?

C'est extraordinaire ! Tu roules contre des grands pilotes ; contre des Schumacher, Barichello, Button, Alonso, etc. Je me souviens quand tu arrives dans le paddock, tu es le petit nouveau, tu as beaucoup de demandes venant des médias, il faut que tu apprennes tous les process du team, comment fonctionne la voiture, etc. Il fallait tout apprendre en quatre jours, c'était très dur. Surtout que je sortais du GP2, je n'avais pas cette acclimatation à un tel niveau. Tu passes de 10 personnes autour de toi à plus de 50. Il fallait tout assimiler très vite.


Encore une fois, aujourd'hui c'est différent parce que les pilotes ont des tests réguliers avec les équipes. Les tests Pirelli, quelques essais libres, les séances à Abu Dhabi, etc. Finalement, quand ils arrivent en Formule 1, ils sont moins impressionnés.



Ça reste tout de même l'aboutissement de tout un parcours, d'une vie même.

Oui c'est clair. Bah, déjà, rouler dans une Formule 1... J'ai roulé dans beaucoup de voitures, et c'est vrai que la Formule 1, c'est LA voiture. Puis tu vois, tu peux faire des journées de tests, rouler dans une Formule 1, c'est sympa, mais rouler dans une écurie officielle, pendant des séances officielles, travailler avec l'équipe, les aider, avancer ensemble, c'est autre chose.


Je me souviens que la première séance d'essais, je termine P6, juste derrière Michael Schumacher et devant Sebastian Vettel qui était à l'époque chez BMW. C'est marquant, ça reste forcément gravé dans ta mémoire.



En tant que troisième pilote pour Spyker, quel était votre rôle ?

C'était de faire du roulage le Vendredi pour permettre à l'équipe d'assimiler notamment les pneus. À l'époque ils étaient rainurés, il y avait beaucoup de graining, donc on testait plusieurs choses. On avait des modes Qualifications, sur 4 tours, des modes Course sur 17 tours, et on récoltait le plus d'informations possible. On travaillait aussi sur le traction control, pour que ce soit le plus au point possible.



Pourquoi il n'y a pas eu de suite en Formule 1 ?

Problème financier, puis le timing. L'année avant moi c'était Nico Rosberg qui arrivait, l'année d'après c'était Lewis Hamilton. Je me souviens avoir été en discussion avec Total pour qu'ils m'aident, mais il n'y avait pas la place, c'était compliqué. Et puis Christijan Albers et Tiago Monteiro apportaient des sommes astronomiques que je ne pouvais pas apporter. C'est suite à ça que Toto Wolff et Colin Kolles m'ont proposé de faire un test en DTM.



Justement, pour faire court, la suite de votre carrière c'est du DTM, de l'Endurance, du V8 Supercars. Aujourd'hui, qu'est-ce que vous faites ?

Là, je suis à Las Vegas et je tiens un team de course. Mais c'est plutôt quelque chose d'amateur. On est en support des Gentlemen Drivers, on leur apporte des outils et de la technique sur les weekends.



Et votre relation avec la monoplace aujourd'hui... Vous continuez à suivre, à vous y impliquer ?

Je n'ai jamais été très impliqué après ma carrière. J'ai aidé quelques jeunes pilotes, en faisant un peu de coaching. Avec Nicolas Lapierre, on avait monté une petite académie au Mans, Lapierre Prémat Driver Academy (LPDA), mais ça n'a duré qu'un an parce qu'après je suis parti pour l'Australie, donc on n'avait plus le temps.


Mais je regarde forcément la F2, un peu la F3, regarder les noms qui reviennent le plus souvent. Je suis toujours mais je ne m'occupe de personne. Je regarde ça en spectateur !



Dernière question pour conclure cette longue interview. Si vous pouviez refaire votre carrière, est-ce que vous changeriez quelque chose ?

On peut toujours changer, on peut toujours se dire qu'avec des « si » on aurait pu avoir une autre carrière, mais je ne sais pas trop... C'est une question difficile. Je dirais qu'en matière de performance pure, je n'ai pas de regrets. Mais il y a peut-être une chose... J'avais fait un test physique chez BAR Honda, et ils m'avaient mis dans les dents que mon anglais n'était pas super... C'est peut-être ce que je peux me reprocher. Mais bon, c'est comme dans tous les sports, si tu es le meilleur, on s'en fout que tu parles ou pas, tant que tu joues bien... On s'adapte à toi, on t'accompagne. Mais sinon non, je n'ai aucun regrets.



Propos recueillis en Avril 2022.

Article bouclé le 28 Avril 2022.


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